La stabilité économique mondiale n'existe plus...
Point de vue | LEMONDE.FR | 28.11.11 | 10h16 • Mis à jour le 28.11.11 | 10h16
par Alexandre Hezez, responsable de la gestion de Convictions Asset Management
Les catalyseurs de la crise seront certainement analysés à froid dans quelques mois et la réalité d'aujourd'hui trouvera sans aucun doute des explications évidentes liées à ce recul. Est-ce Fukushima qui a rappelé au monde son interdépendance économique et sa réalité énergétique (l'arrêt du nucléaire n'est pas si simple …) ? Est-ce la révolution libyenne qui a créé un doute sur l'un des investisseurs privilégiés de l'Italie ? Concernant l'Europe, la dégradation des Etats-Unis a mis le feu aux poudres, c'est incontestable. Nous avions bien évalué les risques qu'impliquaient ces catalyseurs sur nos économies, et notamment la faiblesse structurelle de la zone euro. Cependant, contre toute attente, la zone euro a montré non seulement son incapacité à se réformer devant l'évidence, mais plus grave encore la zone euro n'a pas su contrer la crise majeure qui s'annonce. Les hommes politiques européens n'ont pas saisi la chance de faire avancer l'Europe vers une gouvernance économique et une solidarité renforcées. A ceux qui, comme nous, pensaient que l'Europe se façonnait à coups de crises et avaient foi dans sa réussite irrépressible, il semble désormais que le jeu d'équilibriste qui consiste à être toujours au bord du gouffre a échoué et nous y précipite.
Nous régressons voire, pire, il va peut-être falloir penser à la déconstruction européenne. "C'est nous qui jouons le rôle de l'ancre" martelait en 2008 Jean-Claude Trichet, l'ancien président de la BCE. La zone euro a cru, par immodestie sans doute, qu'elle resterait un pôle d'ancrage quoi qu'il arrive.
Pour contourner une Europe engoncée dans des contraintes institutionnelles et techniques mal pensées, nous avons accouché d'un FESF (Fonds Européen de Stabilité Financière) mort-né, puisque aucun investisseur non-résident n'est intéressé. En Asie, nous apparaissons même comme une zone "nonchalante". Jin Liqun (président du China Investment Corp.) a insisté sur la chaîne de télévision Al-Jazeera la semaine dernière : "The labour laws induce sloth, indolence, rather than hardworking." (Les lois du travail induisent la paresse, la nonchalance, plutôt que l'effort).
Finis les grand discours et les intentions. Le G20 qui devait être l'apogée de la renaissance du projet européen avec le monde en appui, a fait long feu. L'Europe est maintenant seule et doit prendre son destin en mains. C'est en substance ce qu'a dit le premier ministre canadien, Stephen Harper après le sommet : "There is a lot of firepower here and the Europeans have every ability to deal with their own problems" (Il y a beaucoup de capacités ici et les Européens ont le pouvoir de faireface à leurs propres problèmes). La concrétisation des décisions du dernier sommet des chefs d'Etat à Bruxelles tarde : pas d'accord sur le mécanisme d'assurance du FESF, ni sur le mécanisme européen d'aide à la recapitalisation des banques en Europe, rejet de la taxe "Tobin" (pourtant l'une des mesures phares du couple franco-allemand) … Le doute sur la capacité du FESF à mettreen place un "levier" s'accroît. Enfin, lors du dernier G20, l'augmentation des capacités d'aide du FMI a été reportée à février prochain. Les pays émergents, comme la Chine, ne sont pas "pressés" d'aider l'Europe … Le FMI est maintenant l'objet de tractations entre pays émergents et pays en risque d'immersion !
Comme nous le disons depuis fort longtemps dans nos points mensuels d'analyse macro-économique, la zone euro doit trouver une solution pour faire baisser les taux de financement sur le marché secondaire afin de permettre aux Etats d'adopter un train de réformes structurelles, de ranimer la confiance des ménages (pour la croissance) et des investisseurs (pour une dynamique de marché).
A ceux qui ont peur que la France soit attaquée, nous soulignons que c'est déjà le cas depuis fin juillet (date d'accélération du prix des CDS et dérapage des taux de financement des banques françaises).
Les solutions non systémiques ne sont plus très nombreuses maintenant :
- La solution "Don't fight": une BCE accommodante qui met les taux à 0 et qui achète massivement de la dette de manière claire et lisible.
- La solution "The best out" : une sortie de l'Allemagne (et de certains autres pays) voulue qui redonnerait un semblant de compétitivité aux Etats restants (cette méthode est prônée par Joseph Stiglitz), une devise plus faible et des réformes facilitées. On peut même aller jusqu'à se demander si la place occupée par l'Allemagne actuellement ne favorise pas les déséquilibres.
- La solution "gouvernance" : avec une solidarité accrue des Etats-membres se faisant confiance et avec l'instauration d'un ministère européen des finances, responsable et contraignant (avec Jean Claude Trichet à sa tête !). Cela permettrait la création d'un instrument budgétaire et de garantir des politiques budgétaires coordonnées. Et d'émettre à terme des euro-bonds qui auront pour vocation de sesubstituer progressivement aux émissions nationales, couvrant les dépenses courantes des Etats.
La stabilité économique mondiale n'existe plus et il va falloir trouver un nouveau point d'équilibre, ou il faut espérer que l'Europe jouera un rôle. La résolution "par le haut" de la crise passera forcément par des avancées majeures en matière de gouvernance, de fédéralisme et de solidarité au prix d'un abandon partiel des souverainetés nationales. Une solution qui rendra sans doute le métier des hommes politiques plus difficile. Mais l'enjeu en vaut la chandelle pour assurer la pérennité et la prospérité de la zone Euro. Nous restons profondément européens, mais notre foi a des limites et nous demandons maintenant à voir pour croire …
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