Super Merkel, fragile Angela
Un bilan politique à faire pâlir d'envie n'importe quel dirigeant. Une aura internationale plutôt flatteuse. Et pourtant... Celle à qui l'on demande de sauver la zone euro n'a jamais été autant critiquée dans son pays. Portrait d'une Allemande au pied du mur.Par Arnaud LeparmentierENFIN UN SMS DE BONNE NOUVELLE ! Ce matin du 29 septembre, alors qu'elle se rend au Reichstag où aura lieu un vote décisif sur le plan de sauvetage de la Grèce, Angela Merkel retrouve le sourire lorsque s'affiche, sur son téléphone portable, le message de Peter Altmaier. Le secrétaire général des députés chrétiens-démocrates (CDU) au Bundestag, l'homme de confiance de la chancelière, lui annonce qu'il a réussi in extremis à convaincre deux députés eurosceptiques de sa coalition : ils acceptent finalement de voter pour le plan. La chancelière le sait désormais, elle va s'en sortir. A une poignée de voix près.
C'est le paradoxe d'Angela Merkel : le magazine Forbes lui a décerné le titre de femme "la plus puissante du monde" et juge qu'elle est "leader incontesté de l'Union européenne". Pourtant, elle est plus faible que jamais et doit se battre pied à pied pour conserver son pouvoir. L'affaire grecque est grave. Peter Altmaier l'a compris dès cet été. Il n'a pas lésiné sur les moyens, depuis des semaines, pour sauver Angela Merkel. La veille encore, ce Sarrois truculent a reçu à dîner dans son vaste appartement de Berlin-Ouest sept élus eurosceptiques. On a mangé des pâtes, dégusté du vin italien et discuté jusque tard dans la nuit. Deux ont fini par basculer.
Finalement, ce n'est pas l'issue du vote qui pose problème : l'opposition Verte et sociale-démocrate a décidé de voter le plan. Ce qui est important, c'est de savoir si Angela Merkel peut encore compter sur sa majorité. Il y a bien un contretemps : le président du Bundestag laisse s'exprimer en séance plénière deux eurosceptiques CDU contre l'avis de la chancelière qui avait voulu faire taire les opinions dissidentes. Mais peu avant 13 heures, nouveau SMS de Peter Altmaier : elle a rassemblé 315 voix de son propre camp, soit quatre de plus que la majorité absolue. " L'intervention a payé ", se félicitent les deux responsables. Embrassades dans l'enceinte du Bundestag. La crise politique est évitée. De justesse.
Dix jours plus tard, c'est Nicolas Sarkozy qui soutiendra la chancelière. Le président français est en visite à Berlin, dimanche 9 octobre, et la chancelière est sous le feu des critiques des Américains. Aux attaques politiciennes succèdent les reproches des grands de ce monde. Le président de la Banque mondiale, Robert Zoellick, a dénoncé le manque de vision des Européens pour sauver l'euro. Dans l'immense chancellerie, sous les portraits des chanceliers de la République fédérale d'Allemagne qui firent l'Europe, on interroge les deux dirigeants. La chancelière bredouille, explique qu'en se retournant dans quelque temps on verra ce qui a été accompli. Nicolas Sarkozy vole à son secours. Il accuse ses prédécesseurs d'avoir "eu des grandes visions, mais omis de régler des questions qui n'étaient pas des détails". Et d'enfoncer le clou : "Il n'y a pas d'un côté ceux qui ont une vision à dix ans et de l'autre ceux qui doivent régler la crise à dix jours", tranche-t-il.
Un petit détail, cependant, attire l'attention : sur le pupitre de la chancelière, il y a l'aigle allemand ; sur celui du président français, rien. Pas de coq en tout cas. En cette période de crise, c'est naturellement vers l'aigle germanique que chacun se tourne. Et beaucoup se demandent si cette femme, qui a grandi sous la dictature est-allemande, est à la hauteur de sa mission, se montre capable de trancher, au moment où tout en Europe menace de s'effondrer. Fragile, la "femme la plus puissante du monde" ? Celle à qui Barack Obama a confié la mission de mettre de l'ordre dans la zone euro, parce que l'Italie et même la France sont menacées depuis cet été, est en effet plus faible que jamais. Elle est l'otage de sa coalition, en particulier des libéraux (FDP) eurosceptiques en perte de vitesse et de ses alliés chrétiens-sociaux de Bavière (CSU), populistes et soucieux de remporter les élections régionales de 2013. Voilà une chancelière entre deux abîmes, la chute de l'euro et la perte de son pouvoir à Berlin.
SIX ANS APRÈS SON ÉLECTION À LA CHANCELLERIE,et à la moitié de son second mandat, Angela Merkel est politiquement usée. Ce diagnostic laisse perplexe, tant son bilan semble flatteur : les entreprises allemandes exportent à tout-va et le pays encaisse des excédents commerciaux record ; la croissance frôlera les 3 % en 2011 et les déficits retomberont à 1,5 % du produit intérieur brut. Surtout, le taux de chômage a chuté de 10 à 6 % depuis 2005. Bref, l'Allemagne est sortie plus puissante que jamais de la crise. Et pourtant, la chancelière encaisse défaite sur défaite aux élections régionales. Son parti ne recueille que 31 % des intentions de vote, au coude-à-coude avec les sociaux-démocrates tandis que ses partenaires libéraux se sont effondrés. Angela Merkel a vu sa cote de popularité passer de 85 % à ses débuts à 56 % aujourd'hui. Elle n'est plus que la cinquième personnalité politique préférée des Allemands.
Comment expliquer le désamour vis-à-vis de cette femme divorcée, sans enfant, protestante, issue de l'Est et devenue à 51 ans la plus jeune chancelière d'Allemagne ? Tout ce qui faisait ses atouts se retourne contre elle. Lorsqu'elle dirigeait sa grande coalition avec les sociaux-démocrates (SPD), entre 2005 et 2009, elle était en position d'arbitre, entre deux partis de la même force. Désormais, elle doit décider, et décider d'autant plus vite que la crise mondiale est majeure. Physicienne de formation, soucieuse d'avoir toutes les données en main avant de se prononcer, elle semble paralysée. "Merkel ne dirige pas",reproche le coprésident des Verts, Cem Özdemir. Depuis des mois, la chancelière cherche à survivre.
A ses débuts, après la chute du mur de Berlin, elle apportait une fraîcheur certaine. Angela Merkel incarne la sincérité des Allemands de l'Est. Sous le régime communiste, avant de se risquer à parler du fond des choses, il fallait savoir jauger ses interlocuteurs. Dans la République de Bonn des années 1990, elle détone, avec ses cheveux en bataille, son côté mal fagoté et son sourire craquant. Helmut Kohl l'appelle "Das Mädchen", la jeune fille, ou plutôt la gamine. Les femmes se reconnaissent en elle."Elle a la même tête que nous quand on se lève le matin",raconte Cora Stephan, auteur d'un livre sur son amour déçu pour Angela Merkel, intitulé L'Erreur. Angela Merkel réserve désormais son sourire et son humour aux conversations privées."Elle a perdu le ton détendu, ouvert et intelligent de ses débuts. Et elle a détruit tous ses opposants au sein de son parti",déplore l'écrivaine Monika Maron, une ancienne dissidente.
Pour survivre, Angela Merkel assoit son pouvoir sur trois cercles de fidèles, avec lesquels elle échange des dizaines de SMS par jour. Ils nous ont reçus, mais tous ont exigé l'anonymat. C'est la règle. " Si vous me citez, la chancelière va me demander pourquoi j'ai parlé ", raconte un fidèle. De la chancellerie, elle gère les affaires du monde et l'économie en passant par une poignée de hauts fonctionnaires qui lui doivent tout : quadragénaires, masculins, élancés, intelligents, peu marqués politiquement. Son premier porte-parole, Ulrich Wilhelm, avait été débauché chez son adversaire bavarois Edmund Stoiber. Son responsable des affaires européennes, Nikolaus Meyer-Landrut, fut porte-parole de Valéry Giscard d'Estaing à Bruxelles sous l'ère Schröder. " Lorsque nous arrivions à Downing Street, pour rencontrer Gordon Brown, les Anglais nous appelaient "les Mousquetaires" ", se rappelle un de ces conseillers.
PENDANT CE TEMPS, LE PARTI ET LE PARLEMENTsont tenus par une poignée de députés - dont Peter Altmaier - qui firent leurs armes au milieu des années 1990. Ils faisaient partie de la "pizza connection", ce groupe de jeunes chrétiens-démocrates qui se réunissait dans la cave à vin d'un restaurant italien à Bonn, avec leurs camarades Verts, dont ils étaient au fond si proches. Progressistes, sociaux, soucieux de l'environnement, ils n'avaient aucun avenir à la CDU d'Helmut Kohl où perçait une génération de jeunes conservateurs. Angela Merkel les a placés dans des rouages peu visibles, mais essentiels pour tenir l'appareil politique. Aujourd'hui, c'est grâce à eux qu'elle tient.
Grâce, aussi, à sa chef de bureau, Beate Baumann. A 48 ans, sa conseillère de l'ombre s'est installée au même étage qu'elle, dans l'immense bâtiment cubique de la chancellerie, qui toise le Reichstag. Beate Baumann relit les discours de la chancelière et veille, selon l'expression du Spiegel, à la "tonalité" de la chancelière. La tonalité, ce sont ces petites prises de position qui forgent l'image d'Angela Merkel. Comme quand elle a interdit à Barack Obama, alors candidat à la Maison Blanche, de tenir une réunion électorale devant la porte de Brandebourg, ou quand elle a critiqué le pape pour avoir réintégré dans l'Eglise des évêques négationnistes. Autre marque de fabrique de la conseillère : les discours volontairement mal fichus d'Angela Merkel qui visent à lui donner une image plus sincère. "Nul ne s'impose à Beate Baumann", confirme un membre du premier cercle. Et depuis quinze ans, la chancelière et sa conseillère - qui se vouvoient - ont mené la guerre aux barons du parti, ces ministres-présidents de région, tous de l'Ouest et tous jeunes loups, qui se voyaient devenir un jour chancelier.
ON REPROCHE À ANGELA MERKEL de ne pas savoir décider. En politique, c'est faux. Elle a ravi le pouvoir, en décembre 1999, en osant "tuer le père", Helmut Kohl. A l'époque, le chancelier de l'unité allemande est impliqué dans une affaire de caisses noires. Dans une tribune dans la Frankfurter Allgemeine Zeitung, Angela Merkel appelle à tourner la page. La CDU mortifiée expie ses fautes en se donnant à cette femme qui est tout son contraire.
Secrètement, les barons de l'Ouest se disent qu'ils n'en feront qu'une bouchée. Ils la sous-estiment. Admirable tacticienne, elle sait attendre que ses adversaires commettent une faute, mais sait aussi mener des guerres éclair quand sa survie est en jeu."Elle les a tous éliminés", nous confia un jour médusé Nicolas Sarkozy. "On ne reprocherait pas à un homme d'avoir gagné",assume en souriant une compagne de route de la chancelière. Le dernier acte s'est joué en juin 2010, lorsque Angela Merkel a "exfiltré" son dernier grand adversaire, le jeune ministre-président de Basse-Saxe, Christian Wulff, 51 ans, en le faisant élire président de la République. La tactique plutôt que le coeur. Pour jouer ce coup politique, la chancelière a dû rejeter la candidature du pasteur Joachim Gauck, âme de la résistance contre la dictature communiste et gestionnaire des archives de la Stasi, la police politique de RDA.
Les Occidentaux aiment voir en Angela Merkel cette femme grandie sous la dictature. En l'honorant, les Américains ont l'impression de se remercier eux-mêmes de l'avoir libérée. Le 7 juin 2011, dans la roseraie de la Maison Blanche, Barack Obama remet la médaille de la Liberté, la plus haute distinction civile américaine. Ralf Beste, journaliste politique au Spiegel, s'en agace encore : "Merkel n'était pas le dissident tchèque Vaclav Havel", nous assène-t-il sur une terrasse du bord de la Spree, à Berlin. Docteur en sciences physiques, Angela Merkel vivait sa petite vie à l'académie des sciences de Berlin et attendait d'avoir le droit d'émigrer. "Pendant des années, j'ai rêvé de liberté, simplement comme beaucoup d'autres. Rêvé de la liberté de voyager aux Etats-Unis. Et je l'avais prévu pour le jour où j'atteindrais ma retraite, c'était à l'âge de 60 ans", explique sans fard la récipiendaire au président américain.
En RDA, la future chancelière a appris l'art non pas de résister, mais de se protéger. Si Angela Merkel, née à Hambourg le 17 juillet 1954, a grandi à l'est du rideau de fer, c'est à cause de son père, Horst Kastner. En pleine guerre froide, juste après la naissance de sa fille, ce pasteur protestant s'installe dans le Brandebourg, la région qui entoure Berlin. Par conviction. Surnommé Kastner le Rouge, le pasteur tisse des relations constructives avec le régime. La famille dispose, c'est exceptionnel, de deux voitures Trabant, reçoit des deutschemarks et des vêtements de l'Ouest. La mère d'Angela n'est pas autorisée à exercer son métier, professeur de latin et d'anglais, mais Angela poursuit sa scolarité. "Oui, j'ai eu une bonne enfance. A l'Ouest, on oublie que la vie en RDA n'était pas faite que de politique", déclara la chancelière, citée par son biographe Gerd Langguth (Angela Merkel. Biografie, Deutscher Taschenbuch Verlag).
La future chancelière n'est pas victime du régime. Son seul acte de rébellion connu consiste à avoir chanté en 1973, l'année du baccalauréat, L'Internationale... en anglais. Elle a néanmoins pu poursuivre des études à l'université Karl-Marx à Leipzig. Elle a choisi la physique, peut-être parce que l'immixtion du pouvoir politique y est réduite au minimum. Si Angela Merkel est membre des Jeunesses communistes, comme tout le monde, elle assure qu'elle était chargée de "commander des places de théâtre" pour les étudiants. Surtout, elle refusera d'espionner pour la Stasi.
À BERLIN, ANGELA NE PARTICIPE PAS ACTIVEMENTau mouvement civique qui va conduire à la chute du Mur. Le 9 novembre 1989, elle entend un dignitaire du régime annoncer à la télévision que la frontière est désormais ouverte. "Il n'était pas très clair pour moi de savoir ce que cela signifiait ; j'ai toutefois appelé tout de suite ma mère pour lui faire part de la nouvelle et ensuite, comme chaque jeudi, je suis allée au sauna",raconta-t-elle en 2009. En sortant, elle suit la foule et passe à l'Ouest quelque temps. "Ils voulaient tous aller faire la fête sur le Kurfürstendamm, [la grande artère commerçante de Berlin-Ouest] mais je suis rentrée, car je devais me lever tôt le matin."Sincérité désarmante, pour ce vingtième anniversaire de la chute du Mur, qui tranche avec la vantardise de Nicolas Sarkozy, qui prétendit faussement qu'il avait accouru à Berlin le soir même.
Il faut attendre décembre pour qu'Angela Merkel s'engage politiquement. Elle commence par faire un tour au Parti social-démocrate, mais se sent mal à l'aise dans cette réunion où l'on se tutoie et où l'on s'appelle camarade. Elle pousse la porte du Demokratischer Aufbruch. "Je l'ai accueillie", nous raconte le dissident Günter Nooke. Il avait rencontré la future chancelière une première fois chez son père en septembre, lors d'un débat sur la science et la religion qui avait bien vite tourné à la réunion politique. Mais le mouvement écologique et démocratique sombre lorsqu'il apparaît que son leader a collaboré avec la Stasi. Angela Merkel devient la porte-parole du seul gouvernement démocratique de RDA dirigé par Lothar de Maizière et sera récupérée par Helmut Kohl, qui la propulse à 35 ans ministre de la famille à Bonn.
QUELLES SONT LES CONVICTIONS D'ANGELA MERKEL ? Au tournant du siècle, elle apparaît plus Européenne de l'Est qu'Allemande, plus Nouvelle Europe que Vieille Europe, pour reprendre l'expression de Donald Rumsfeld, secrétaire à la défense de George Bush avant la guerre en Irak. La présidente de la CDU commence l'année 2003 en se rendant à Washington, pour soutenir la guerre de George W. Bush en Irak et l'achève devant le congrès de son parti, à Leipzig, où elle défend un programme ultralibéral, surenchère aux réformes de Gerhard Schröder. "La nouvelle Maggie", titre le magazine Stern, en référence à Margaret Thatcher. Mais les Allemands sont pacifistes et attachés à leur modèle d'économie sociale de marché.
IL LUI EN COÛTERA PRESQUE LA VICTOIRE EN 2005.Ses proches de l'époque sont incapables de dire si elle avait épousé l'air du temps ou agi par conviction. L'affaire l'a paralysée. "Elle en a tiré la conséquence que les Allemands ne voulaient pas de réformes et qu'ils étaient contre la guerre",reproche l'ancien ministre des affaires étrangères, le Vert Joschka Fischer, qui critique son abstention au Conseil de sécurité de l'ONU au sujet de l'intervention militaire en Libye et l'absence de réforme depuis son arrivée au pouvoir. "Merkel récolte les effets positifs des réformes Schröder", nous assure l'écrivaine Cora Stephan.
En réalité, Angela Merkel a accompagné les tendances de la société, mais elle a pris à rebrousse-poil son électorat chrétien-démocrate. Son bilan sociétal est impressionnant. Elle a fait changer l'Allemagne : développement des crèches et des allocations familiales pour permettre aux femmes de concilier vie professionnelle et de famille ; suppression du service militaire ; sortie du nucléaire.
Mais curieusement, l'entourage de la chancelière ne revendique guère ces réformes. La famille, ce serait l'oeuvre d'Ursula von der Leyen, mère de sept enfants et qui découvrit après avoir passé son enfance à Bruxelles que les écoles allemandes fermaient l'après-midi. La conscription ? Selon un proche, elle a été elle-même médusée par la capacité qu'avait eue son ancien ministre de la défense Karl-Theodor zu Guttenberg à faire accepter la fin de la conscription. Elle a fait des zigzags, jugeant"inutile" le livre du banquier central social-démocrate Thilo Sarrazin qui fustigeait l'islam - qu'elle n'avait pas lu - avant de proclamer la fin de la société "multiculturelle", pour ne pas trop froisser les électeurs les plus conservateurs. Quant à la sortie du nucléaire, elle est intervenue six mois après la décision de prolonger les centrales. "Après deux virages à 180 degrés, vous êtes revenus là où en était le gouvernement SPD-Verts",fustigea au Parlement l'ancien vice-chancelier SPD Frank-Walter Steinmeier. Il y avait de la tactique dans cette décision : ce geste a ouvert la voie à un possible accord avec les Verts, pour suppléer les libéraux en chute libre, quitte à désorienter encore plus les électeurs.
Pour l'heure, les électeurs sont désorientés par la crise de l'euro et la "trahison" de leurs hommes politiques, qui avaient promis qu'ils n'auraient jamais à payer pour les "pays du Club Med" comme ils désignent les Etats européens du Sud endettés. Mais cet été, lorsque l'Italie et la France ont commencé à être attaquées par les marchés, Angela Merkel a compris que toute la construction européenne pouvait sombrer. "Nous entrons sur des terres inconnues", déclare depuis l'été la chancelière, doublée par les surenchères fédérales à gauche, mais aussi dans son propre camp : son ex-amie devenue rivale, la ministre Ursula von der Leyen, a osé parler des "Etats-Unis d'Europe".Le Vert Joschka Fischer estime que la chancelière a bougé. "Cela a pris deux ans, mais elle a compris ce dont il s'agit." C'était à se demander si la chancelière comprenait l'Europe. "Elle a un raisonnement économique avant d'être politique, car elle vient de l'Est et n'a pas été élevée dans cette culture de construction européenne qui permet à l'Allemagne de se rapprocher politiquement de tous les Etats européens", analyse le ministre français Bruno Le Maire. "Je ne pense pas qu'elle songe à sa place dans les livres d'histoire. L'avantage, c'est qu'elle est moins prétentieuse, moins arrogante. L'inconvénient, c'est que lorsqu'elle doit prendre des décisions importantes, elle hésite",déplore le Vert Cem Özdemir. Le président de la BCE Jean-Claude Trichet s'est arraché les cheveux avec cette femme qui menaçait de provoquer un séisme comparable à celui de Lehman Brothers : à l'automne 2008, elle envisageait d'abandonner à son sort la banque allemande HypoVerein ; deux ans plus tard elle parlait de restructurer la dette grecque. "Elle a eu une approche morale et juridique des choses", lance un conseiller de Nicolas Sarkozy.
AUJOURD'HUI, ANGELA MERKEL saura-t-elle sauver l'euro ? Les Européens se réunissent à Bruxelles, dimanche 23 octobre, quand les marchés seront fermés. Le temps presse. A l'automne 1989, Helmut Kohl avait mis dix-neuf jours, après la chute du mur de Berlin derrière lequel s'ennuyait Angela Merkel, pour proposer la réunification de l'Allemagne. Le numéro un soviétique Mikhail Gorbatchev connaissait lui aussi le prix du temps : juste avant que ne s'effondre la RDA, il avait adressé cette mise en garde à son homologue Erich Honecker :"Celui qui arrive trop tard est puni par la v
Humaine et réaliste le plus important en politique.
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