Prescrire moins pour gagner plus ?
F. Bristaud - Marianne | Lundi 19 Septembre 2011 à 12:01 | Lu 3224 fois
A l'heure où la cour des comptes vient de tirer la sonnette d'alarme concernant le déficit abyssal de la sécurité sociale, généré en partie par une consommation accrue de médicaments, le député UMP de l'Hérault, Jacques Domergue, propose de récompenser les médecins dont les consultations ne débouchent pas sur une prescription.

( Flickr - Day C - cc )
Les Français ont ingurgité 36 milliards d’euros de médicaments en 2009, ce qui les classe au rang de leaders européens. Nous consommons 19 fois plus de vasodilatateurs qu’au Royaume-Uni, et trois fois plus de psychotropes qu’en Allemagne. Cette sur-médication a des conséquences alarmantes, tant aux niveaux sanitaire que financier.
Face au déficit colossal de la sécurité sociale, qui a remboursé 26,8 milliards de médicaments cette même année, la Cour des comptes a réclamé, dans un rapport remis jeudi 15 septembre, plus de rigueur dans la maîtrise des prescriptions. Le député UMP de l'Hérault, Jacques Domergue, médecin de profession, a suggéré vendredi comme piste d'économies d’offrir une prime aux médecins dont les consultations ne débouchent pas sur une prescription.
Les patients s’indignent…Mais les syndicats des médecins aussi. Le docteur Michel Chassang, président de la Confédération des Syndicats Médicaux Français, qualifie la proposition d’ «iconoclaste et déplacée » lors d’une interview sur RTL. Le docteur Pierri –toujours sur RTL- parle d’un concept « très pervers » et « très tordu » et ajoute « on n’a jamais acheté ma prescription, on ne va pas acheter ma deprescription ». Il redoute qu’un classement soit fait chez les médecins, mais également chez les patients « plus ou moins rentables ». Dans ce contexte, les patients nécessitant des traitements lourds auraient d’avantage de difficultés à trouver des médecins d’accord pour les prendre en charge.
Outre les conséquences néfastes pour les patients, le docteur Alexandre Husson, président du Syndicat des Jeunes Généralistes, mesure également les répercussions négatives d’une telle proposition pour la profession. Il évoque un risque de perversion de la relation de confiance entre les médecins et leurs patients. Selon lui, cela génèrerait des malades méfiants, qui considèreraient les propos d’éducation thérapeutique promulgués par les médecins comme une entourloupe pour échapper à la prescription et récupérer la prime.
Dans un pays où un « bon médecin » est trop souvent jugé à la richesse de son ordonnance, une question se pose inévitablement : comment expliquer, et surtout comment contrer, cette boulimie pharmacologique à la française ?
Une première raison à cette surmédication est évoquée par le docteur Husson. Selon lui, les médecins ne disposent pas, ou peu, d’outils non médicamenteux, qui seraient pourtant bien plus adaptés à la guérison de certaines maladies. Concernant l’obésité par exemple, il affirme qu’ « il serait bien plus intelligent de prescrire de l’activité physique ainsi qu'une alimentation adaptée au lieu d’astreindre le patient à un traitement visant à diminuer son taux de cholestérol ». Faute de moyens, et surtout de personnel pour accompagner les malades dans cette démarche de soins, on s’enlise perpétuellement dans la spirale de la sur-médication. Il suggère de réduire cette addiction pharmacologique nationale par un travail d’équipe, avec des psychologues remboursés, et un suivi plus fréquent par les psychiatres, ce qui permettrait d’aider les patients dans leurs projets thérapeutiques. La mise en place de ce type de traitements non médicamenteux rendrait par ailleurs le patient plus acteur dans sa guérison.
Le docteur Husson pointe également du doigt les lacunes dans les formations des médecins. En France, les « autres » moyens thérapeutiques ne sont pas valorisés dans les formations médicales : l’acuponcture, la phytothérapies, ou encore l’hypnose sont autant de pratiques trop souvent dénigrées, à tord, sur les bancs de la fac. Selon le docteur Pommier, les formations à la prescrption devraient également être réorganisées. Face à une population de plus en plus vieillissante et présentant des pathologies multiples, on observe la prescription concomitante d’un multitude de molécules… qui interagissent les unes avec les autres, ce qui tend à diminuer leur efficacité et augmenter leurs effets secondaires. Dans 15% des consultations, le nombre de médicaments prescrits est supérieur à 5. Des formations destinées à permettre au personnel de santé de sélectionner les médicaments à privilégier en cas de pathologies multiples, plutôt que de les additionner, paraissent indispensables au Docteur Pommier. Des thérapies non médicamenteuses pourraient alors compléter ces precriptions amoindries. Le Docteur cite le traitement de l'arthrose en exemple: « l'arthrose génère des prescriptions d'anti-inflammatoires chez les sujet âgés, médicaments favorisant notamment des ulcères digestifs et des problèmes rénaux. Pour contrer ces effets secondaires, on prescrit des médicaments supplémentaires, qui eux-même seront à l'origine d'autres effets secondaires. L'arthrose aurait tout aussi bien pu être traitée par un autre anti-douleur ayant bien moins d'effets secondaires, associé à de la kinésithérapie et à un soutien psychologique de la douleur chronique, en limitant au maximum les périodes où des anti-inflammatoires sont nécessaires».
Enfin, une autre raison à cette sur-médication, et non des moindres, est également évoquée par le docteur Pommier. Selon elle, si en France, près de 80% des consultations généralistes aboutissent à une prescription médicamenteuse (contre seulement 47% aux Pays-Bas) c’est aussi, en partie, à cause de la pression exercée par les patients, qui ont trop souvent l’impression que leur maladie n’a pas été prise au sérieux lorsqu’ils ressortent d’une consultation sans la prescription d’un cocktail explosif de molécules en tous genres. De son point de vue, cette forte demande trouve son origine dans un déficit cruel en médecine de prévention, mais surtout en éducation thérapeutique. Il n’est hélas pas nouveau que la France a une culture de la réparation, et non de la prévention. Quelques campagnes de publicités sont bien trop peu de choses face au plus fort taux mondial de résistance aux antibiotiques de notre pays par exemple.
Enfin, une autre raison à cette sur-médication, et non des moindres, est également évoquée par le docteur Pommier. Selon elle, si en France, près de 80% des consultations généralistes aboutissent à une prescription médicamenteuse (contre seulement 47% aux Pays-Bas) c’est aussi, en partie, à cause de la pression exercée par les patients, qui ont trop souvent l’impression que leur maladie n’a pas été prise au sérieux lorsqu’ils ressortent d’une consultation sans la prescription d’un cocktail explosif de molécules en tous genres. De son point de vue, cette forte demande trouve son origine dans un déficit cruel en médecine de prévention, mais surtout en éducation thérapeutique. Il n’est hélas pas nouveau que la France a une culture de la réparation, et non de la prévention. Quelques campagnes de publicités sont bien trop peu de choses face au plus fort taux mondial de résistance aux antibiotiques de notre pays par exemple.
Fort heureusement, la proposition du député, qui encouragerait les médecins à prescrire moins pour gagner plus, au lieu de prescrire moins pour mieux soigner est rejetée de tous bords.... Des primes en tous genres et des ordonnances longues comme le bras sont donc à proscrire, mais une politique de santé publique efficace est à prescrire de toute urgence…
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