Pourquoi le référendum n'est pas bon pour la démocratie
LE PLUS. Démocratie participative : le terme est à la mode mais comment y parvenir ? Les solutions proposées par Michel Rocard risquent de vous surprendre.
Ce texte est une analyse de "Pour une 6e République de l'écologie" (Odile Jacob) dirigé par le Pr Dominique Bourg. Michel Rocard commente ici les 3e et 4e chapitres du livre. Retrouvez la première partie de l'analyse ici, et la dernière jeudi.

(Veffia/Sipa)
Développer la démocratie participative, c’est évidemment essentiel.
Mon hésitation est toujours liée à la capacité de décision. Tout cela prend un temps considérable et par exemple le Collège de la participation du public devrait dans l’organisation de la production d’avis, suivre et faire suivre des délais très stricts. Des décisions prises à l’évidence trop tard sont démocratiquement contre-productives.
Attention aussi à la démagogie des coûts : d’où viendront les moyens financiers des comités de quartier ? Mais il faut avancer dans ces directions.
Je reste en revanche très opposé au référendum. Ce n’est pas sans sagesse que la Constitution de la République Fédérale d’Allemagne l’interdit ! C’est une procédure brutale et exagérément simplificatrice, contraire à la complexité des choses, négatrice des procédures d’amendements, d’inflexions et de modifications partielles.
Brutal, simplificateur, dangereux
Avec le système médiatique tel qu’il fonctionne, aucun référendum, même local, ne peut échapper au risque de voir les commentateurs et l’opinion répondre à une autre question que celle qu’on pose, et notamment celle de savoir s’il faut changer le dirigeant local ou national qui pose la question. On peut d’ailleurs expliciter l’aspect théorique de l’affaire : la priorité, notamment de ceux qui pensent l’écologie, est de mieux prendre en compte la complexité du monde et des systèmes vivants qui l’habitent. Toute procédure au contraire simplificatrice à l’excès est contradictoire avec cette intention.
La simplification des moyens d’enquête, d’écoute, d’information et de communication participative doit assurément permettre d’éviter une technique aussi brutale, simplificatrice et dangereuse.
Droits de l'Homme, droits de l'environnement
Le quatrième chapitre "renforcer les droits humains pour protéger l’environnement" me parait beaucoup plus en phase avec la combinaison très contemporaine d’exigences multiples que nous cherchons à satisfaire ensemble : la protection de l’environnement, l’extension de l’usage du droit, la canalisation de la puissance du pouvoir.
Je ressens ici un accord global. J’ai cependant un commentaire à ajouter.
Au sens strict cet additif ne concerne rien qui soit écrit dans ce chapitre. Mais il concerne fortement sa signification essentielle. J’ai personnellement cinquante ans de combat pour les droits de l’homme dans la peau. J’avais même proposé au président de la République qu’à l’occasion du 200e anniversaire de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, la République Française propose au monde la création d’un droit nouveau, le droit de l’humanité à un environnement salubre.
J’ai vif regret que le Président ne l’ai pas voulu, même s’il reste de cette intention la Déclaration de la Hague de mars 1989, ce qui n’est déjà pas rien. Cela pour dire que ce qui suit n’est en rien un renoncement, plutôt un avertissement.
La création et la surveillance du respect des droits de l’homme sont à l’évidence un des instruments majeurs de l’amélioration de la démocratie que nous entendons promouvoir. Mais ce n’est qu’un instrument. Il doit rester au service de la finalité générale, et il incombe nécessairement à la politique de définir cette finalité générale et de choisir les instruments de poursuite.
A ce titre, les droits humains, y compris ceux qui touchent la défense de l’environnement, doivent être intégrés à la politique étrangère et l’influencer. Mais ils ne doivent en aucun cas s’y substituer ou la régir.
Economie et respect des Droits de l'Homme
Le cas de la Chine me suffira là pour faire comprendre ce que je veux dire. Cinq mille ans d’histoire d’une immense civilisation, un éveil économique foudroyant et un milliard trois cent millions d’habitants : ce pays est incontournable. Or il n’a jamais connu la démocratie et nourrit une culture à dominante confucéenne dans laquelle le peuple, la collectivité tout entière est plus importante que les individus qui la composent.

Manifestation de Tibétains en exil en Inde, contre la Chine en septembre 2011 (Raveendran/AFP)
Le tout tient ensemble grâce à un système politique dont la brutalité est un instrument permanent. Cette brutalité a des conséquences que le Tibet par exemple paye douloureusement, et il est loin d’être le seul. Faut-il pour autant rompre les relations ? Faire de la conduite de cet Etat au Tibet un préalable à des relations économiques et politiques ou même culturelles revient à rendre impossible l’approfondissement de ces autres relations. Est-ce souhaitable ? La réalité montre à l’évidence que :
- La Chine ne comprend et n’admet pas nos critiques sur le Tibet où elle voit simplement un soutien à la perspective de son indépendance.
- Elle a les moyen de les ignorer, de n’en tenir aucun compte. Ce qu’elle fait sans vergogne. Nos critiques n’ont pas le moindre effet.
- En tirer la conséquence de refuser d’autres relations revient alors à isoler davantage la Chine, à affaiblir de ce fait l’écho là bas de nos critiques, à laisser le Tibet encore plus seul, et peut même provoquer l’intensification de l’action répressive.
- Cette tentative de la communauté universelle des défenseurs des droits de l’homme est d’ailleurs totalement vaine : aucun gouvernement ne peut se permettre de refuser de commercer avec la Chine.
- C’est seulement de la démocratisation progressive mais générale de toute la Chine qui provoquera un soulagement de la situation tibétaine. Il faut y pousser, au contraire en intensifiant toutes nos relations avec la Chine y compris universitaires, intellectuelles et culturelles.
- Faute de comprendre cela, les défenseurs des droits de l’homme se vouent à l’échec et s’enfoncent dans une impasse sans aucun résultat sinon celui d’aggraver dans les démocraties la méfiance entre l’opinion publique et les gouvernements.
Il arrive à la raison d’Etat de couvrir des horreurs, chacun le sait, elle doit cependant chercher à les éviter ou à les punir. Elle n’a pas moins toute son importance et sa légitimité. L’amélioration des droits de l’homme, leur extension à l’environnement, exigent que leurs défenseurs assurent cela. Voilà qui devrait être dit dans ce chapitre, car le cas de la Chine est loin d’être le seul de l’espèce.
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