Que faire, que faire de la crise grecque ? Avant de nous poser cette question ne devrions-nous pas nous interroger sur les causes et les différents aspects de cette crise ? Lepetitjournal.com a rencontré Nicolas Bloudanis, historien docteur ès Lettres (Histoire économique), auteur de "Histoire de la Grèce Moderne 1828-2010, Mythes et Réalités"

Nicolas Bloudanis : Il s’agit même de la rencontre de deux crises structurelles, soit au niveau mondial et européen celle d’une économie financière et spéculative de moins en moins contrôlée et contrôlable et, au niveau grec, d’un système d’économie rentière, clientéliste, on peut même dire « maffieuse », basée jusqu’en 2010 sur la redistribution et un niveau d’emploi ainsi que des prestations sociales relativement élevés, générés par l’Etat. Ce système était toutefois factice, dans la mesure où il s’appuyait sur le crédit, très avantageux depuis que la Grèce fait partie de l’Union européenne. Cet édifice s’est effondré en 2010, lorsque le gouvernement, n’a plus pu assurer le service de sa dette en contractant de nouveaux emprunts comme il le faisait depuis 2005-2006. Il fait alors "appel" à l’Union européenne et au FMI, qui imposent des réformes draconiennes comme condition préalable à toute aide. Aucun gouvernement n’a pu jusqu’à présent mener à bien de réforme autre qu’une baisse dramatique des petits et moyens salaires et retraites, dans le public comme dans le privé.
Quelles ont été les erreurs des gouvernements qui se sont succédé ?
Les partis PASOK et Nea Demokratia ont mis en place, et surtout, fait durer, ce système socio-économique étatiste et clientéliste. L’opposition de gauche ne l’a jamais remis en cause. Même après l’adhésion à la Communauté (1981) puis l’Union Européenne, ainsi qu’à la Zone Euro en 2002, les divers gouvernements l’ont maintenu envers et contre tout. Certains, tels Simitis entre 1996 et 2004 ont essayé d’amener de timides réformes, mais qui n’étaient souvent que des maquillages. Face à la vague néo-libérale qui a profondément modifié les économies mondiale et européenne entre 1980 et les années 2000, la Grèce et ses dirigeants, probablement aidés par la relative insignifiance économique du pays, ont toujours nagé à contre-courant.
Les partis PASOK et Nea Demokratia ont mis en place, et surtout, fait durer, ce système socio-économique étatiste et clientéliste. L’opposition de gauche ne l’a jamais remis en cause. Même après l’adhésion à la Communauté (1981) puis l’Union Européenne, ainsi qu’à la Zone Euro en 2002, les divers gouvernements l’ont maintenu envers et contre tout. Certains, tels Simitis entre 1996 et 2004 ont essayé d’amener de timides réformes, mais qui n’étaient souvent que des maquillages. Face à la vague néo-libérale qui a profondément modifié les économies mondiale et européenne entre 1980 et les années 2000, la Grèce et ses dirigeants, probablement aidés par la relative insignifiance économique du pays, ont toujours nagé à contre-courant.
A quand remonte la corruption de l’appareil de l’Etat ?
Au moment de son indépendance, vers 1830, la Grèce est un Etat économiquement non-viable, qui sort ruiné d’une guerre de 7 ans, et comprenant des populations d’ethnies diverses, habituées à une relative autonomie, mais aussi au pillage et au brigandage. Pour donner une unité à cet Etat, et intégrer sa population dans un moule national « hellénique », il faut entretenir des « clientèles » locales, liées aux partis politiques qui se succèdent au pouvoir dans la capitale, et financer cet entretien par des crédits étrangers. Après la faillite de 1893 puis les agrandissements territoriaux de 1912-13, cette situation connaît de sérieuses améliorations. Ces dernières sont toutefois partiellement annulées dès 1922, lorsque la population du pays augmente brusquement de plus de 20% par l’afflux de réfugiés ayant fui la Turquie. Ceux-ci, Grecs de tradition orientale, constitueront dès lors une population très démunie et fragile, perméable aussi bien à la révolte violente qu’au clientélisme et à la corruption. Enfin, entre 1936 et 1974, soit pendant 40 ans, la Grèce connaît une occupation et une guerre civile très dures, et vit en permanence sous des régimes autoritaires ou dictatoriaux. Au surplus, les gouvernements démocratiques d’après 1974 choisissent à nouveau le clientélisme et la corruption, élargis à une grande partie de la population, comme leviers d’intégration sociale.
Au moment de son indépendance, vers 1830, la Grèce est un Etat économiquement non-viable, qui sort ruiné d’une guerre de 7 ans, et comprenant des populations d’ethnies diverses, habituées à une relative autonomie, mais aussi au pillage et au brigandage. Pour donner une unité à cet Etat, et intégrer sa population dans un moule national « hellénique », il faut entretenir des « clientèles » locales, liées aux partis politiques qui se succèdent au pouvoir dans la capitale, et financer cet entretien par des crédits étrangers. Après la faillite de 1893 puis les agrandissements territoriaux de 1912-13, cette situation connaît de sérieuses améliorations. Ces dernières sont toutefois partiellement annulées dès 1922, lorsque la population du pays augmente brusquement de plus de 20% par l’afflux de réfugiés ayant fui la Turquie. Ceux-ci, Grecs de tradition orientale, constitueront dès lors une population très démunie et fragile, perméable aussi bien à la révolte violente qu’au clientélisme et à la corruption. Enfin, entre 1936 et 1974, soit pendant 40 ans, la Grèce connaît une occupation et une guerre civile très dures, et vit en permanence sous des régimes autoritaires ou dictatoriaux. Au surplus, les gouvernements démocratiques d’après 1974 choisissent à nouveau le clientélisme et la corruption, élargis à une grande partie de la population, comme leviers d’intégration sociale.

On peut dire de la faillite de 1893 qu’elle est la conséquence de l’immaturité et des difficultés d’un petit pays nouvellement indépendant, coincé entre des créanciers qui sont en fait les grandes puissances impérialistes du 19e. De celle de 1932 qu’elle résulte de l’immense effort d’intégration de plus d’un million de réfugiés depuis 1923, handicapé avant terme par la crise mondiale de 1929. Que dire pour 2010? Un membre de plein droit de l’Union Européenne, à qui une "voie royale" de développement et d’intégration est offerte depuis 1981, mais qui préfère rouler à contresens de l’économie mondiale et maintenir chez lui un système archaïque confondant emprunt et revenu pour financer son "plein emploi", son "Etat social" et ses détournements… Ce système factice commence à craquer dès 2006, le "capitalisme hors la loi" de Goldmann-Sachs et des "fonds-vautours" s’en empare, et on en arrive à l’effondrement de 2010…
Y a-t-il trop de fonctionnaires en Grèce ? Pourquoi et quelles solutions ?
La Grèce compte environ un million de fonctionnaires, soit près du 25% de sa population active, sans compter les employés d’entreprises d’Etat peu ou pas productives, qui jouissent d’un statut analogue. Il ne s’agit plus de service public, mais d’un effet pervers du clientélisme, qui voulait que chaque député assure un certain nombre de postes de travail à l’électorat de sa circonscription. Les solutions au problème sont difficiles et délicates : s’il est clair que les postes publics doivent à terme diminuer de 30%, l’impact social aggraverait la désastreuse situation actuelle (25% de chômeurs). Une direction possible pourrait être la mise à pied après évaluation de postes et personnes concernées avec 70% du salaire durant 3 ans, jusqu’à la retraite ou le reclassement dans le privé, pour autant que ce dernier puisse se développer…
Lydia Belmekki (www.lepetitjournal.com/athenes.html) Mercredi 28 novembre 2012
Site web : www.grececontemporaine.ch de Nicolas Bloudanis.
La Grèce compte environ un million de fonctionnaires, soit près du 25% de sa population active, sans compter les employés d’entreprises d’Etat peu ou pas productives, qui jouissent d’un statut analogue. Il ne s’agit plus de service public, mais d’un effet pervers du clientélisme, qui voulait que chaque député assure un certain nombre de postes de travail à l’électorat de sa circonscription. Les solutions au problème sont difficiles et délicates : s’il est clair que les postes publics doivent à terme diminuer de 30%, l’impact social aggraverait la désastreuse situation actuelle (25% de chômeurs). Une direction possible pourrait être la mise à pied après évaluation de postes et personnes concernées avec 70% du salaire durant 3 ans, jusqu’à la retraite ou le reclassement dans le privé, pour autant que ce dernier puisse se développer…
Lydia Belmekki (www.lepetitjournal.com/athenes.html) Mercredi 28 novembre 2012
Site web : www.grececontemporaine.ch de Nicolas Bloudanis.
Pour aller plus loin :
- "Histoire de la Grèce Moderne 1828-2010, Mythes et Réalités", , N. Bloudanis - "Faillites grecques: une fatalité historique ?", N. Bloudanis - "Histoires des Balkans", G. Castellan - "La Grèce depuis 1940", J. Dallegre - "Chypre, île extrême" - JF Drevet Site web : www.grececontemporaine.ch de N. Bloudanis. |
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