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Παρασκευή 18 Νοεμβρίου 2011

Vendredi 18 Novembre 2011
Quand la mer se retire, vous pouvez voir ceux qui nageaient tout nus

Entretien avec Bernard Gazier, ιconomiste au CES (centre d'ιconomie de la Sorbonne).
[Bernard Gazier]

Quelles sont les perspectives ιconomiques aujourd'hui ?

Gazier -Beaucoup d'ιconomistes envisagent la possibilitι qu'aprθs la grande rιcession de 2008-2009, il y ait une seconde rιcession, on serait au milieu de la courbe en forme de W, juste avant la rechute. Le redιmarrage de 2010 est en train de s'ιvanouir. Si d'ici 4 ΰ 5 mois, la tendance baissiθre se confirme, il faudra de nouveaux plans de relance. Nous sommes dans une incertitude exceptionnelle. Tout peut arriver n'importe quand, aussi bien du positif que du nιgatif.

Pour mieux comprendre il faut revenir aux commencements. Le premier ιpisode de la crise est celui des subprimes et de la dette privιe. Des spιculateurs privιs se sont mis sur des crιneaux dangereux et ont monιtarisι leur dette. Lors du second ιpisode, les Ιtats ont renflouι les banques, augmentant l'endettement public. Plus ils ιtaient endettιs, plus le prκt leur coϋtait cher, lorsqu'ils ont eu besoin de se refinancer. C'est le cercle vicieux qui fait que la Grθce se finance ΰ 6 ou 7 %, l'Allemagne ΰ 2%, la France ΰ 3-4%.

Les dιpenses de relances ont ιtι trθs diffιrentes selon les aires ιconomiques: 6% du PIB aux USA, 5% en Chine. Elles ont ιtι plus dispersιes en UE : la France entre 1 et 2%. Ce qui correspond en tout ΰ 1% du PIB mondial, ce qui a permis de stopper la dιflation, sans pour autant relancer ΰ terme. Les perspectives de croissance sont trθs sombres: 1% pour l'UE, contre 7-8% pour la Chine, et ΰ peu prθs pareil pour l'Inde.

Pourquoi les marchιs et les banques entraξnent-ils les Ιtats et leurs contribuables dans la tourmente ?

Lors des deux krachs (septembre 2008 et ιtι 2011), les pertes se sont focalisιes sur les banques. Une "spirale de la dιfiance" s'est crιιe et les marchιs et les agences de notations sont entrιs en scθne. La dιfiance se caractιrise par la conjonction de deux processus totalement indιpendants.

D'un cotι, certains pays europιens trθs endettιs ont du mal se refinancer. Avec ce paradoxe amer : les marchιs financiers agissent comme des juges et dιstabilisent les Ιtats qui leur ont sauvι la mise en 2008. Dans ce jeu pervers, les anciens bιnιficiaires des recapitalisations se comportent comme des ingrats amnιsiques. C'est tout ΰ fait aberrant, car plus personne ne sait sur quelle base orienter ses capitaux.

De l'autre cτtι, se noue ce qu'on peut qualifier de "psychodrame" aux Etats-Unis. Mais dans le cas amιricain, c'est uniquement un problθme juridique. Il fallait augmenter la possibilitι de l'endettement, les Rιpublicains ont saisi l'occasion pour bloquer le gouvernement. Du coup, les USA ont perdu leur triple A.

La spirale de la dιfiance est lΰ. Les agences de notation observent les grandes ιconomies mondiales, la France est sous surveillance, etc. Cette percolation d'ιlιments totalement diffιrents les uns des autres fait comme une mayonnaise. Il y a des similitudes avec ce qui a pu se passer en 1929. ΐ l'ιpoque, des milliers de toutes petites banques amιricaines sont tombιes en faillite, elles avaient 60% des dιpτts. Les rιpercussions en Allemagne ont ιtι tout ΰ fait inattendues, car le Kreditanstalt, une ιnorme banque allemande qui avait spιculι sur de mauvaises affaires a ιtι prise dans la tourmente.

ΐ cette ambiance dιlιtθre s'ajoute la guerre entre les monnaies : dollar, euro, yuan. Et d'autres blocages, par exemple la Chine et l'Inde n'accepteront d'accroitre le pouvoir du Fonds monιtaire International que si leur propre pouvoir est accru au sein de l'instance de reprιsentation. Enfin, les politiques sont sous pression des contraintes internationales et des reports internationaux. Les nations font face ΰ des contractions ιconomiques, subissent des pertes de revenus et de patrimoine. La protection sociale qui joue un rτle compensatoire introduit les dιficits. Des rιactions et ιventuellement des troubles sociaux viennent parfois inflιchir les politiques d'austιritι. Mais pour le moment, le social protestataire n'arrive pas ΰ compenser le fait que les politiques sont totalement tιtanisιs par les contraintes internationales. L'Europe n'a aucun levier politique face ΰ la tourmente.

En matiθre de rιglementation, les efforts ont ιtι essentiellement verbaux. On s'est dit : il va falloir qu'on s'en occupe, on s'est hβtι lentement. Alors qu'il fallait agir trθs vite. Concernant la rιgulation financiθre, Obama a manquι l'occasion, il a pris comme ministre des finances Tim Geithner qui venait de Goldmann Sachs.

Le rτle de Goldmann Sachs est trθs critiquι. Est-il possible que la banque soit prise dans cette tourmente ?

En effet, il semble que ce soit le cas. Goldmann Sachs, vient de passer dans le rouge, ηa ne leur ιtait pas arrivι depuis bien longtemps. Rιcemment, j'ai entendu un grand patron dire : "Regardez oω Goldmann Sachs a fait des affaires, c'est lΰ oω arrivera la prochaine manifestation de la crise". On aurait envie de se rιjouir de ce juste retour des choses, l'arroseur-arrosι, si ce n'ιtait pas le signe terrifiant que nous sommes dans une pιriode d'instabilitι colossale.

Au-delΰ du choc, de l'accιlιration et des rιactions, la crise a un effet " rιvιlation". Le milliardaire Warren Buffet a coutume de dire : "quand la mer se retire, vous pouvez voir ceux qui nageaient tout nu". Lors de difficultιs, les firmes fortes deviennent encore plus fortes, celles qui sont faibles disparaissent. C'est un moment de vιritι violent. On ne peut pas survivre dans l'ιquivoque. Que certains nageaient tout nu, on ne le voyait pas, mais tout le monde le savait. Maintenant, on se dit que ce serait bien que chacun s'habille.

Dans l'ensemble, les grandes firmes s'en tirent trθs bien. L'an dernier, elles se gorgeaient de profit. Toutefois ce n'est pas gιnιral : Air France commence ΰ avoir des difficultιs, et va devoir changer de modθle.

L'effet rιvιlation pointe la faiblesse de l'Eurozone, dans laquelle l'avantage allemand s'est accentuι. Les problθmes de compιtitivitι sont anciens, entre la France et l'Allemagne, mais il y a eu une cassure ΰ partir de 2000. Que peut-il se passer maintenant ? Davantage de rιformes, ou simplement une intιgration "sadomasochiste" par la surveillance budgιtaire. Et du cτtι verbal : une taxe Tobin, pour taxer les plus riches.

Un autre exemple, c'est l'industrie automobile amιricaine ; dans les annιes 2000, elle ιtait ΰ l'agonie et perdait des emplois progressivement sans que personne ne soit capable de la rιformer. La crise a dιmoli 60% de ce qui restait d'un seul coup. Et aujourd'hui Ford et General Motors repartent sur une base plus petite mais plus forte.

Vous dιfendez l'idιe que cette accιlιration est aussi pertinente dans la sphθre sociale. Quelles en sont les manifestations ?

On peut distinguer deux sιquences. Avant 2010, lorsque des relances, sans rιformes significatives ont des effets de rιvιlation dans l'emploi trθs nets. En Allemagne, le PIB baisse de 6% en 2008, sans augmentation du chτmage. C'est du jamais vu ! Mκme si le modθle est discutable, l'Allemagne a une capacitι d'absorption exceptionnelle. Ce modθle est d'ailleurs ΰ l'opposι de la flexicuritι. Les entreprises ont gardι leurs employιs, ont mis en place un tiers de chτmage partiel et deux tiers de nιgociation autour de baisse de salaire contre le maintien dans l'emploi. La force de l'Allemagne a trouvι son opposι dans l'extraordinaire faiblesse de l'Espagne. Si vous avez 30% de CDD, quand la crise arrive, vous les licenciez. Le chτmage y est passι de 8% ΰ 20% en quelques mois. Finalement la flexicuritι est de peu d'usage. Le Danemark a ιtι frappι, comme les autres par une forte augmentation du chτmage.

Entre 2000 et 2008, l'Europe a crιι 20 millions d'emplois, beaucoup plus que la "Job Machine" amιricaine. Et des emplois plutτt de meilleure qualitι. Pendant la crise, les USA ont dιtruit 9 millions d'emploi et n'en ont crιι que 2 millions depuis 2008. Leur taux de chτmage est de 9%, ils ne s'en sortent pas. En Europe, on compte 5 millions dιtruits, 3 de crιιs et un taux de chτmage identique. De part et d'autre, l'emploi industriel s'effondre, le taux de chτmage masculin et chez les jeunes explose, il reste stable chez les seniors.

On remarque deux images symιtriques. D'un cτtι, l'europιanisation des USA avec un redιmarrage sans emploi (« joblight recovery »). De l'autre, une amιricanisation du marchι de l'emploi europιen, moins d'emplois intermιdiaires et une polarisation des emplois, soit trθs bons, soit mauvais.

Qu'est-ce qui peut enrayer ce processus : les mesures d'austιritι, de dιrιgulation des droits du travail, le gel des salaires ?

Jusqu'ΰ prιsent les firmes multinationales ont tenu le haut du pavι avec une sorte d'alliance avec les travailleurs trθs qualifiιs et les ιlites gouvernementales. Elles affirmaient qu'il faut κtre compιtitif, avoir une filiale en Chine, jouer sur la Roumanie et ιventuellement une usine en France. Les travailleurs trθs qualifiιs ιtaient dans ce consensus.

En Allemagne a un segment infιrieur de son marchι du travail trθs atomisι. Beaucoup de travailleurs pauvres. Pourtant au niveau national, l'Allemagne discute de la notion de "gute Arbeit" (travail dιcent). La reprise allemande prouve que le marchι du travail est plus rapide, plus fonctionnel, que les individus retrouvent plus rapidement un emploi. Les marchιs transitionnels n'ont pas ιtι assez explorιs. Il faut les construire.

La qualitι du travail et de l'emploi devient un objectif en soi. Un emploi, c'est une sιcuritι financiθre, une garantie du maintien en emploi, de formation et de progression de carriθre, qui permette de concilier vie personnelle et vie professionnelle. Un travail d'une intensitι gιrable.

Ce sont les acteurs ΰ la base, et non les technocrates qui y travaillent dans une dιmarche "Bottom up", qui n'a pas encore trouvι sa voix en Europe, mais est ΰ l'œuvre dans tous les bassins d'emplois, rιgions, syndicats.

On assiste aujourd'hui ΰ l'alliance des perdants : des PME avec les syndicats. C'est l'alliance de l'eau et du feu ! Les PME, qui sont en gιnιral sous-traitantes, sur des marchιs locaux ont besoin d'accroitre le niveau de qualification de leurs travailleurs et les syndicats cherchent ΰ s'y implanter. Un des points forts de la flexicuritι ιtait de dιvelopper le dialogue social. Il semble que mκme la Commission ait conscience de cela.

Ces acteurs qui promeuvent l'ιconomie sociale et locale ont tous les atouts pour attirer dans une alliance les mouvements sociaux contestataires. Cela pourrait dessiner une forme de nouveau Front Populaire.

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