Sondages de l'Elysée : le parquet contre le droit et la démocratie ?
Philippe Bilger - Blogueur associé | Mardi 18 Octobre 2011 à 18:01 | Lu 2845 fois
L'affaire dite des sondages de l'Elysée connaitra son épilogue le 7 novembre. La chambre de l'instruction à Paris rendra alors un arrêt fondamental « aussi bien pour le droit que pour la démocratie », estime Philippe Bilger, ancien avocat général. Pour rappel, le juge Tournaire instruit une plainte pour favoritisme déposée en février 2010 par l'association Anticor contre deux proches de Nicolas Sarkozy, en l'occurrence Emmanuelle Mignon (directrice de cabinet) et Patrick Buisson (conseiller). Le parquet estime, lui, que les conseillers de l’Elysée sont eux aussi protégés par l’immunité du chef de l’Etat.
La chambre de l'instruction à Paris rendra le 7 novembre un arrêt fondamental aussi bien pour le droit que pour la démocratie.
Dans l'affaire dite des sondages de l'Elysée en 2007, après un classement sans suite par le parquet en février 2010, le juge d'instruction Serge Tournaire a été saisi d'une plainte pour favoristisme avec constitution de partie civile déposée par l'association Anticor, visant Patrick Buisson et Emmanuelle Mignon, respectivement alors conseiller et directrice de cabinet. En mars 2011, ce magistrat s'était déclaré compétent pour instruire. Son ordonnance a été frappée d'appel par le parquet et le 7 novembre le conflit sera tranché.
L'immunité ne bénéficie qu'au seul président de la République en dépit de la volonté du pouvoir, relayée par le ministère public, de l'étendre à la « présidence de la République », ce qui protégerait tous les collaborateurs du chef de l'Etat. On peut craindre qu'avec une telle extension que le droit ne légitime pas mais que l'autorité politique cherche à imposer, on aille demain, avec cette démarche de sauvegarde partisane, jusqu'à considérer que le pouvoir, illimité dans sa définition et son champ d'action, mérite d'être mis à l'abri de toute offensive et de toute dénonciation.
Il y aurait là, par ce biais, une impunité qui peu ou prou constituerait un bouclier sans faille.
Le juge Tournaire, faisant justice de cette thèse qui, si le sérieux du conflit ne nous en dissuadait pas, appellerait de l'ironie devant la dépendance qu'elle démontre, a rappelé que « ce qui dérogeait au principe constitutionnel d'égalité devant la loi devait être interprété strictement et ne saurait bénéficier automatiquement aux tiers, collaborateurs ou non du chef de l'Etat ».
Des professeurs de droit respectés confirment la validité de ce point de vue. Olivier Beaud énonce notamment que « ce n'est plus une poche d'irresponsabilité, c'est un gouffre ».
La Cour de cassation, par un arrêt de 2001 concernant Jacques Chirac, a édicté que « les magistrats sont compétents pour instruire à l'égard de toute autre personne que le président de la République ».
Dans l'affaire dite des sondages de l'Elysée en 2007, après un classement sans suite par le parquet en février 2010, le juge d'instruction Serge Tournaire a été saisi d'une plainte pour favoristisme avec constitution de partie civile déposée par l'association Anticor, visant Patrick Buisson et Emmanuelle Mignon, respectivement alors conseiller et directrice de cabinet. En mars 2011, ce magistrat s'était déclaré compétent pour instruire. Son ordonnance a été frappée d'appel par le parquet et le 7 novembre le conflit sera tranché.
L'immunité ne bénéficie qu'au seul président de la République en dépit de la volonté du pouvoir, relayée par le ministère public, de l'étendre à la « présidence de la République », ce qui protégerait tous les collaborateurs du chef de l'Etat. On peut craindre qu'avec une telle extension que le droit ne légitime pas mais que l'autorité politique cherche à imposer, on aille demain, avec cette démarche de sauvegarde partisane, jusqu'à considérer que le pouvoir, illimité dans sa définition et son champ d'action, mérite d'être mis à l'abri de toute offensive et de toute dénonciation.
Il y aurait là, par ce biais, une impunité qui peu ou prou constituerait un bouclier sans faille.
Le juge Tournaire, faisant justice de cette thèse qui, si le sérieux du conflit ne nous en dissuadait pas, appellerait de l'ironie devant la dépendance qu'elle démontre, a rappelé que « ce qui dérogeait au principe constitutionnel d'égalité devant la loi devait être interprété strictement et ne saurait bénéficier automatiquement aux tiers, collaborateurs ou non du chef de l'Etat ».
Des professeurs de droit respectés confirment la validité de ce point de vue. Olivier Beaud énonce notamment que « ce n'est plus une poche d'irresponsabilité, c'est un gouffre ».
La Cour de cassation, par un arrêt de 2001 concernant Jacques Chirac, a édicté que « les magistrats sont compétents pour instruire à l'égard de toute autre personne que le président de la République ».
L'ELYSÉE, UNE FORTERESSE IMPRENABLE ?
J'ai scrupule à reprendre une argumentation juridique qui a été développée par tant d'autres plus compétents que moi. Parce que j'ai conscience que le problème ne tient pas à sa teneur qui est incontestable pour la plupart mais à la volonté politique prétendant la négliger au profit d'une approche purement empirique : il faut sauver à tout prix Patrick Buisson et Emmanuelle Mignon parce que tout ce qui de près ou de loin relève de l'Elysée doit être mis à l'abri de la Justice !
Comment un parquet, même le plus attentif qui soit aux injonctions politiques et aux avantages de carrière qui pourraient résulter de leur observance, peut-il accepter de se mutiler intellectuellement au point de reléguer les exigences, les curiosités et les libertés consubstantielles à la Justice, que sa tonalité soit ou non politique ?
Comment n'y a-t-il pas, même de la part du ministère public le plus conforme, une envie, une pulsion d'existence, d'affirmation de soi et du corps auquel on appartient ? Un refus de passer dans les coulisses au risque de laisser la scène être envahie par des puissants importuns ? Est-il concevable, devant une grille juridique elle-même très discutée, de ne pas faire appel au bon sens et à ce mouvement naturel qui, face à une situation apparemment verrouillée, ne peut que conduire, en République, à réduire les espaces d'impunité au lieu de les accroître, à amoindrir la sphère de l'immunité au lieu de l'amplifier ?
Balzac écrivait qu'il était « de l'opposition qui s'appelle la vie ». En dépit de tous les classicismes qui favorisent l'obéissance, la retenue et, par conséquent, le pouvoir, n'a-t-on pas le droit de rêver d'un parquet qui, presque malgré soi, serait animé par une opposition viscérale dès lors qu'on aurait le front de lui ordonner du choquant et de l'absurde ? J'existe parce que je résiste. Je résiste parce que j'existe. Un parquet de vrai débat, de combat. Il y a déjà trop d'inconditionnels ailleurs !
Le 7 novembre, l'Elysée sera-t-il qualifié de forteresse imprenable ou de lieu démocratique ?
Retrouvez Philippe Bilger sur son blog.
Comment un parquet, même le plus attentif qui soit aux injonctions politiques et aux avantages de carrière qui pourraient résulter de leur observance, peut-il accepter de se mutiler intellectuellement au point de reléguer les exigences, les curiosités et les libertés consubstantielles à la Justice, que sa tonalité soit ou non politique ?
Comment n'y a-t-il pas, même de la part du ministère public le plus conforme, une envie, une pulsion d'existence, d'affirmation de soi et du corps auquel on appartient ? Un refus de passer dans les coulisses au risque de laisser la scène être envahie par des puissants importuns ? Est-il concevable, devant une grille juridique elle-même très discutée, de ne pas faire appel au bon sens et à ce mouvement naturel qui, face à une situation apparemment verrouillée, ne peut que conduire, en République, à réduire les espaces d'impunité au lieu de les accroître, à amoindrir la sphère de l'immunité au lieu de l'amplifier ?
Balzac écrivait qu'il était « de l'opposition qui s'appelle la vie ». En dépit de tous les classicismes qui favorisent l'obéissance, la retenue et, par conséquent, le pouvoir, n'a-t-on pas le droit de rêver d'un parquet qui, presque malgré soi, serait animé par une opposition viscérale dès lors qu'on aurait le front de lui ordonner du choquant et de l'absurde ? J'existe parce que je résiste. Je résiste parce que j'existe. Un parquet de vrai débat, de combat. Il y a déjà trop d'inconditionnels ailleurs !
Le 7 novembre, l'Elysée sera-t-il qualifié de forteresse imprenable ou de lieu démocratique ?
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