Sarkozy rêve d’une OPA sur les voix de Le Pen. Peine perdue!

Mardi 6 Mars 2012 à 05:00 | Lu 1790 fois I 4 commentaire(s)

JEAN-CLAUDE JAILLETTE - MARIANNE
Journaliste à Marianne, il suit le Front National pour les campagnes 2012. En savoir plus sur cet auteur

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Rééditer en 2012 le hold up des voix lepénistes déjà réalisé en 2007, tel est le pari du candidat Sarkozy qui s'est focalisé sur les thématiques traditionnelles frontistes, l'immigration et l'insécurité, sur lesquelles Marine Le Pen est revenue lundi soir sur TF1 dans l'émission «Parole de candidat». Mais ni le score de Marine Le Pen ni celui de Nicolas Sarkozy n'ont réellement bougé depuis la mise en oeuvre de cette stratégie. Les sondeurs eux-mêmes restent sceptiques.


Parole de Candidat sur TF1
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L’énervement gagne la campagne. En témoigne le ton extrêmement vif qui a présidé à l’émission de TF1 « Parole de candidat », Marine Le Pen a été confrontée à des Français et des journalistes. Ces derniers en ont pris pour leur grade : « Vous ne comprenez donc rien! », « gauchiste », « bobo » leur a-t-elle envoyé. Dans le camp d’en face, chez Nicolas Sarkozy en particulier, la même fébrilité pousse le candidat à aller chasser sur les terres du Front National. Parfois dans la précipitation. Quand un institut de sondage, l’Ifop, voit Nicolas Sarkozy grignoter quelques miettes sur l’électorat de Marine Le Pen, un autre, LH2, qui a interrogé son panel une semaine plus tard, ne voit rien bouger. Autant dire que rien ne bouge, en tout cas rien à la hauteur du siphonage des voix frontistes réussi en 2007.

La stratégie de Nicolas Sarkozy pour refaire son retard sur François Hollande au premier tour et s’assurer des reports favorables au second en s’appropriant les thèmes de campagne de Marine Le Pen ne semble pas fonctionner. « Il n'a pas échappé à Nicolas Sarkozy que sur la question de l’identité française, Marine Le Pen atteignait un niveau de confiance supérieur à 50% auprès de son électorat. Et que tout de suite derrière, venait l’immigration et l’insécurité ». Voilà pourquoi lors de son premier meeting de campagne à Marseille, il a prononcé 61 fois le mot France. Et qu’il n’a pas négligé de rappeler qu’il était contre le vote des étrangers aux scrutins locaux, laissant le soin au ministre de l’intérieur Claude Guéant, de pousser l’avantage et de s’aventurer sur le terrain des civilisations dont certaines n’en vaudraient pas d’autres.

Peine perdue : « Impossible de réitérer l’opération de 2007 alors qu’il vient d’exercer le pouvoir pendant cinq ans, explique Guillaume Inigo de TNS-Sofres. Ceux qui ont voté pour Sarkozy en 2007 et qui s’apprêtent à voter Marine Le Pen cette année lui reprochent précisément de ne pas avoir tenu ses promesses. Celle du Karcher notamment. Comment pourraient-ils le croire aujourd’hui ? »

Le FN, inquiet scrute son électorat. Rien ne bouge
Un sondeur ne faisant pas le printemps, nous avons interrogé quelques-uns des électeurs tentés par le vote Le Pen que nous avions rencontrés au cours de notre enquête « Je vote Marine Le Pen » (Marianne 20/01/12). Même son de cloche. Pis, un adhérent de l’UMP, agriculteur, tombé sous le charme de Sarkozy en 2007, nous avait dit s’apprêter à sanctionner son chef, écœuré par ses « mensonges en rafale ». A-t-il changé d’avis après le discours de Marseille ? « Bien au contraire, il essaie de nous refaire le même coup. Et tout ceux qui s’apprêtent à faire le même choix que moi, partage mon avis » nous a-t-il répondu il y a quelques jours.

Au sein de l’équipe de campagne de la candidate frontiste, l’inquiétude d’un risque de grignotage a effleuré les esprits l’espace de quelques jours. Au point que les militants ont été priés de prendre le pouls du terrain. « Les mêmes qui avaient senti le mouvement de syphonnage en 2007 sont formels, confie Florian Philippot, directeur stratégique de Marine Le Pen, rien ne bouge. »

Les futurs électeurs de Marine Le Pen ne s’en laisseront donc pas compter, Nicolas Sarkozy semble l’avoir parfaitement intégré, jusqu’à s’en inquiéter. Difficile de ne pas percevoir un vent de panique même dans le retournement spectaculaire qu’il vient d’effectuer sur le halal. Le dimanche 19 février à Lille, Marine Le Pen lance le sujet et l’impose dans le débat électoral. Le mardi suivant, à l’aube, le président sortant se précipite à Rungis pour expliquer que « la polémique n’a pas lieu d’être ». Samedi 1er mars à Bordeaux, il se prononce pour l’étiquetage sur la façon dont les animaux ont été abattus. Et alors même que depuis deux ans ses ministres et sa propre majorité ont tout fait pour empêcher que de telles mesures soient mises en place au niveau européen comme au niveau national.

Nicolas Sarkozy ne pouvait pas servir plus beau cadeau sur le plateau de la candidate du Front national qui s’est régalée devant son public à Marseille : « Il a dit de moi que mes réflexions étaient épaisses. Ce qui est épais, c’est l’énorme fil blanc avec lequel il essaye de coudre sa prochaine réélection. » Si le président sortant voulait légitimer sa rivale, il ne s’y serait pas pris autrement.