Crise et retour aux pratiques du rite sacrificiel
OPINIONS | jeudi 9 février 2012 à 10h12
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Riccardo Petrella
Pour l'économiste Riccardo Petrella, la crise que nous vivons est la crise du capital financier dérégulé imposé par les élites depuis les années 70. Pourtant, explique-t-il, ces mêmes élites invitent les populations au sacrifice. Un rite!
L’Etat du Welfare, développé par des formes assez avancées en Europe occidentale et, dans une moindre mesure en Amérique du Nord, avait modifié sensiblement les rapports sociaux et de pouvoir entre les riches et puissants d’une part, les pauvres et le peuple, d’autre part. La " sécurité " sociale pour tous, fondée sur une dépense publique adéquate dans les infrastructures, les biens communs et les services publics, a fait décroître, dans la répartition de la richesse produite, la part revenant aux revenus de capital et favoriser celle revenant aux revenus de travail. Ainsi les égalités sociales ont été réduites et la "richesse" de nos pays a augmenté.
La remise en cause du Welfare
Cette modification n’a pas plu évidemment aux groupes dominants et riches. A partir des années ’70, leur lutte contre l’Etat de Welfare a commencé à donner des fruits. Partout en Occident, le pouvoir politique (Reagan, Thatcher...) est revenu aux forces qui leur sont favorables voire issues de leurs rangs. Profitant des grandes "révolutions technologiques" qui dès la décennie ’70 déferlent sur nos sociétés, notamment la "révolution des technologies d’information et de communication", ils réussissent à imposer l’impératif de la globalisation de l’économie, vendue comme "naturelle" et "inévitable" et source d’une nouvelle longue phase de croissance de l’économie et de la richesse mondiales. Prétextant ainsi que les économies nationales étaient désormais dépassées, devenues obsolètes, ils ont aussi convaincu les élites dirigeantes dites progressistes (celles de la "troisième voie" à la Blair, Schroeder, Clinton, Prodi, Gonzales, Jospin....), que la régulation économique par les Etats nationaux devait être démantelée et que le rôle de l’Etat était de favoriser l’ouverture et l’intégration des économies nationales à la globalisation, de "libérer" les énergies nationales à la compétitivité mondiale afin de bénéficier le plus, pour son propre pays, d’une part significative du gâteau de la croissance économique mondiale promise.
Dans ce contexte, se formèrent et l’emportèrent les grandes vagues de libéralisation de tous les mouvements de capitaux, des marchandises, des services, de dérégulation étatique et de privatisation de tout ce qui était privatisable et pouvait devenir source considérable de profit pour les plus forts, les plus "développés", les plus compétitifs. A partir de la mi-’90, l’économie mondiale est devenue un espace libre pour la mainmise des grands groupes financiers industriels et commerciaux. Ils purent finalement traiter la planète Terre et l’humanité comme un énorme potentiel de ressources à exploiter le plus vite et le plus massivement possible pour maximiser les taux de retour les plus élevés pour les détenteurs de capitaux privés.
L'explosion des inégalités
Résultat : depuis une vingtaine d’années les inégalités entre les groupes sociaux au sein des pays et entre les pays ont ré-explosées, la grande pauvreté revenant au cœur même des sociétés "riches" ; tandis que les lieux de la prédation et d’exploitation étaient déplacés en Asie notamment. Les crises économiques, d’abord locales et/ou sectorielles, se sont multipliées pour se transformer rapidement en crises globales et mondiales jusqu’à la crise de 2008. Une crise pour laquelle les dominants n’ont pas de solution, puisque c'est la crise structurelle de l’économie capitaliste financière du libre marché mondial. De cette incapacité vient le rite sacrificiel.
Les groupes dominants, qui ont imposé cette économie et sont donc les responsables premiers et déterminants de la crise actuelle, n’ont évidemment, aucune intention de l’admettre. Bien au contraire, ils crient, en mentant sans pudeur, que la cause principale de la crise est l’endettement public, provoqué par les dépenses publiques notamment sociales. Pour eux, la logique folle et spéculative de leur système financier prédateur n’y est pour rien. Ils reconnaissent, de temps à autre, que les libéralisations et les dérégulations ont parfois favorisé certaines dérives, mais l’essentiel reste bon et inévitable. Ces derniers mois encore, ils continuent à proclamer bêtement "il n’y a pas d’alternative" comme si l’on pouvait raisonnablement construire le devenir de nos sociétés et du monde sur l’absence d’alternatives (sur le "non futur") !
Dès lors, puisqu'ils gardent la mainmise totale sur les rouages du pouvoir, notamment la finance et les médias, les responsables de la crise ont fait adopter une série de mesures et de lois qui se traduisent par le détricotage total et définitif de l’Etat du Welfare et le rejet conséquent des droits humains et sociaux afférents. Pour "purifier" leur mal agir, ils ont recours au rite sacrificiel, ils demandent des sacrifices, faisant croire par là que nos sociétés doivent expier le mal commis en laissant les dépenses publiques, notamment, alimenter un endettement public insoutenable. Présentant l’appel aux sacrifices comme un appel adressé à tous, l’hypocrisie des dominants ajoute la dérision à la farce. Où sont les sacrifices payés et à payer par les groupes dominants, les propriétaires des fonds d’investissements spéculatifs, les responsables des sociétés financières de notation, les ministres des finances et les membres des banques centrales qui pendant 40 ans ont soutenu la libéralisation, la déréglementation et la privatisation du système bancaire et financier ? En revanche on sait bien que la réduction des dépenses sociales et le recours à l’augmentation des taxes indirectes ont toujours été les formes les plus criantes d’injustice sociale.
Le rite sacrificiel
Le rite sacrificiel a toujours atteint ses formes les plus violentes et les plus inacceptables dans la guerre où ce sont les peuples, les jeunes et les plus faibles qui meurent sur le terrain du sacrifice. La "guerre aux dépenses publiques sociales" laissera beaucoup de victimes. Il n’y a rien de juste et bon en cela. Si rien ne change, les dominants se retrouveront d’ici deux-trois ans pour "fêter" le retour à la croissance des profits et de la richesse revenant aux revenus de capital. Qui plus est, ils auront le "courage" de dire qu’ils ont sauvé l’Europe et...l’euro.
Riccardo Petrella, Professeur émérite de l’Université Catholique de Louvain (B)
Economiste et politologue, Riccardo Petrella est considéré comme un des penseurs de l’altermondialisme Il a fondé en 91 le groupe de Lisbonne, qui réfléchit de manière critique sur les formes de la mondialisation. Depuis des années, il se bat pour le droit à l’accès à l’eau. Son dernier ouvrage : " Pour une nouvelles narration du monde ", (Ecosociété 2007) est une critique du fonctionnement de la société capitaliste actuelle.
L'ECONOMIE MONDIALE EST UN ENSEMBLE UNIQUE,PSYCHOSOMATIQUE. AUSTÉRITÉ VIATIQUE VERS LA CROISSANCE POUR L'OCCIDENT. Η ΠΑΓΚΟΣΜΙΑ ΟΙΚΟΝΟΜΙΑ ΕΙΝΑΙ ΕΝΑ ΕΝΙΑΙΟ ΣΥΝΟΛΟ,ΨΥΧΟΣΩΜΑΤΙΚΟ.Η ΛΙΤΟΤΗΤΑ ΕΙΝΑΙ Ο ΔΡΟΜΟΣ ΓΙΑ ΤΗΝ ΑΝΑΠΤΥΞΗ ΤΗΣ ΔΥΣΗΣ
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